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Damn Murphy !
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26 novembre 2014

Memento & Le Procès (Les auteurs de SFFFH ont du talent !)

J'aurais mis le temps pour m'y mettre, mais mieux vaut tard que jamais. Voici donc ma participation au projet organisé par l'Invasion des Grenouilles qui consiste à révéler une nouvelle ou un morceau de roman SFFFH (de Science fiction, Fantasy, Fantastique et/ou Horreur) gratuitement durant le mois de novembre. Pour faire pardonner mon retard, en plus d'une nouvelle inédite "Le procès", j'ajoute à mon post une seconde nouvelle "Memento", dont une version précédente a d'ailleurs été lue publiquement en l'honneur du Ray's Day, un autre projet de littérature qui consistait à révéler une histoire gratuitement sur le Net. Merci, d'ailleurs, à la surnommée Ulysse du forum L'écritoire des ombres pour avoir fait cette superbe lecture.


MEMENTO

   Reste calme. Où es-tu ? Tu ne dois pas paniquer. Où es-tu ? Tu t’es réveillé dans ce lit, dans cette chambre. Tu vas bien finir par te souvenir.

   Lève-toi avant tout. La mémoire te reviendra peut-être en détaillant l’endroit. Où es-tu ? Toutes ces bouteilles d’alcool par terre, voilà qui explique ton mal de tête carabiné et ta mémoire troublée. Mais où es-tu ? Cette peinture terne sur les murs, ces étagères de livres et de bibelots. Tu les as déjà vues. Tu ne sais pas encore où, mais ça va te revenir.

   Retourne-toi maintenant. L’autre partie de la pièce te sera peut-être plus parlante.

   Oh bordel ! C’est quoi ça ? Cet homme dans le lit. Ce visage rouge. Ce sang. Qu’est-ce que…

   Qu’as-tu fait cette nuit ? Est-ce que tu l’aurais tué ? Impossible !

   Respire, respire. Ne pas paniquer. Ne trébuche pas parmi les bouteilles. Respire. Est-ce que tu connais ce type ? Impossible de savoir, un trou explose sa tempe. Mais essaie. Respire. Non, tu ne sais pas qui c’est. Comme la chambre, tu crois l’avoir déjà vu. Mais tu ignores où.

   D’ailleurs, tu ignores qui tu es toi-même. Qui es-tu ? Quel est ton nom ? Ton âge ? Ton travail ? Qui es-tu ? A quoi ressembles-tu ? Qui es-tu ? Est-ce que tu as de la famille ? Est-ce que…

   Stop !

   Respire. Calme-toi. As-tu des papiers sur toi ? Non rien. Pas même un téléphone ou un quelconque objet. D’accord, ce n’est pas comme ça que tu vas y voir plus clair. Mais il y a d’autres façons, les souvenirs vont te revenir. Ils le doivent.

   Est-ce que le mort a des papiers, lui ? Tu devrais peut-être éviter de le toucher avant d’en savoir plus. Il ne manquerait plus que tes empreintes soient sur ce cadavre. Si elles n’y sont pas déjà évidemment.

   Tu peux quand même inspecter les environs. La table de chevet est noyée de paperasse. Il y aura bien quelque chose qui pourra t’aider.

   Contourne le lit. C’est quoi ça, par terre ?

   Un flingue ! Le tueur l’a sûrement jeté là. Un coup monté ? Ne le touche pas.

   Et si c’était toi l’assassin ? C’est ce que tout le monde croira, ton amnésie te condamnera.

   Qu’as t-u fait ? Non, ça ne peut pas être toi. Tu n’en serais pas capable. Qu’as t-u fait ?

   Du calme. Les papiers. Va les voir. Sans toucher si possible.

   Il y a toutes sortes de cartes. Bancaire, d’identité, de sécurité sociale. Toutes au même nom. Celui du cadavre. Jack Norton. D’où connais-tu ce nom ? Tu as su que c’était le sien dès que tu l’as lu. Alors d’où le connais-tu ?

   Bon, ça te reviendra bientôt.

   Qu’as-tu fait ?

   Quoi d’autre sur la table ? Une montre, une énième bouteille d’alcool vide. Un paquet de cigarettes ouvert. Vide aussi. Rien qui ne t’avance vraiment. Rien qui ne pourrait t’aider à te sortir de là !  

   Qu’as-tu fait, bon sang ? Où es-tu ? Qui es-tu ?

   Ne t’énerve pas, ne panique pas. Reste calme.

   Quelqu’un a pu entendre le coup de feu, la police va sans doute arriver. D’une minute à l’autre. Tu dois partir d’ici. Non, c’est stupide, le coup est pari dans la nuit, forcément. Si on devait venir t’arrêter, ça serait déjà fait. Oui, mais non. Le coup a aussi pu être tiré juste avant ton réveil. Tu as vu ton état ? Comment aurais-tu entendu quoi que ce soit de toute façon ? Oui mais… Arrête. Ne pense pas au pire, garde le contrôle.

   Regarde par la fenêtre, peut-être que tu reconnaitras l’endroit, peut-être que ça ravivera tes souvenirs. Les rues sont vides. Et le ciel noir peut aussi bien s’être imposé depuis peu que céder prochainement au matin. Pas moyen de savoir à quel moment de l’année on est. Mais aucune voiture de flic en vue. Peut-être que le meurtre est passé inaperçu finalement.

   Profites-en pour effacer tes traces et t’enfuir. Rien de bon n’en ressortira si tu restes là de toute façon.

   Avant, vérifie que tu n’as pas de sang sur toi. Pas sur tes mains, pas sur tes vêtements. Et sur ton visage ?

   Il y a un grand miroir le long d’un des murs. Quel abruti de ne pas y avoir pensé ! Va voir. Tu te souviendras peut-être de qui tu es en te voyant.

   Est-ce que tu te reconnais dans le reflet ?

   Te souviens-tu ? Qui es-tu ? Où es-tu ? Qu’as-tu fait ? Que s’est-il passé ?

   Voilà, ça te revient enfin… Tu te souviens… de qui tu es…

   Et tu te souviens que… tu t’es suicidé, Jack.

12 juillet 2014


LE PROCES 

   Je pourrais me creuser la tête pour paraître attachant, sympathique. Mais soyons honnêtes, aucune mascarade ne fonctionnera. Quelqu’un de vide ne peut pas paraître en vie – vous saisirez toute l’ironie de ces propos j’espère, – quand bien même il se parerait de tous les artifices possibles. Et quelqu’un qui ne saurait paraître en vie ne peut rien avoir d’attachant. Qui s’inquiéterait du sort de celui qui n’en a que faire lui-même ?

   Je pourrais tenter de vous amadouer, me faire plaindre. Jouer les Cosette, sans parents, sans famille, sans repères, sans envies. Mais à quoi bon, finalement ? A quoi bon m’écouter, d’ailleurs ? Rien d’utile ne ressortira de ces mots. Ça ne changera rien au verdict. On le sait tous. Pourquoi le nier ?

   Ah, je vois. Le meurtre. Rien de tel pour attirer l’attention, c’est sûr. Il suffit ne serait-ce que de prononcer le mot, et tout le monde se tait, tout le monde écoute.

   C’est le moment où j’explique tous les faits, une fois de plus, je suppose ?

   Bien, je vais faire bref…

   Il était une fois un tueur en série qui, quand la lune se cachait, sillonnait les rues d’un village perdu. Les habitants savaient qu’il rôdait. Personne n’osait s’aventurer dehors passé le crépuscule.

   Le tueur s’en prenait surtout à des femmes. On ne peut pas faire dans l’original à chaque fois, vous comprenez ? Il faut bien vivre quelques clichés parfois. Il les aimait blondes, petites et de préférence sans défense. Mais il n’était pas vraiment difficile ; s’il ne trouvait pas l’élue de ses fantasmes, n’importe laquelle faisait l’affaire. Faut se contenter de ce qu’on a, dans la vie.

   Mais arrêtons-nous quelques temps sur les détails. Quel intérêt de parler de meurtres si on survole seulement la chose ? Il faut aller au bout des choses, en profondeur, comme ses couteaux le faisaient dans le corps de ces femmes. Comment, c’est abject de faire de telles comparaisons ? Mais alors pourquoi vous semblez tous bien plus intéressés maintenant qu’au début de mon discours ? Que j’explique cette affaire de façon détachée vous révolte, vous me trouvez effroyable, mais vous n’êtes pas mieux, mes chers.

   Mais passons. Les meurtres, donc, comme c’est ce qui vous intéresse. Notre tueur y excellait, même s’il faut avouer que son imagination se mettait en route bien avant. L’assassinat n’était que le point final. Ce qu’il préférait, c’était de suivre ses proies, savourant le carnage à venir, s’amusant de l’insouciance de ses partenaires d’un soir. Aucune ne se doutait jamais qu’un inconnu était sur leurs pas. Puis il entrait avec elles dans leur immeuble, jusque dans l’ascenseur. Il jouait les nouveaux voisins encore perdu, mais le sourire qu’il affichait durant la conversation ne venait que de la suite des évènements qu’il imaginait déjà dans sa tête.

   Attendre qu’elle ouvre sa porte, puis s’y jeter. L’endormir, chloroforme en main, l’attacher dans son lit. Et attendre son réveil, parce que ça n’a rien de drôle si la belle dort. Si elle tarde à émerger, d’ailleurs, il a son petit remède maison. Une petite enfilade ou deux, c’est ce qu’on appelle un réveil en fanfare. On est bien loin du preux baiser des contes, vous admettrez.

   Mais les viols classiques ne l’amusaient pas tant que ça, même s’il adorait la musique de leurs cris. Il préférait jouer avec son outil de travail. Ce joli couteau qui épluchait les peaux, lentement, et qui devait repasser plusieurs fois à cause de sa lame usée par le temps. Remarquez, la lame était aussi parfaite pour se planter dans la chair fraiche. Et aussi pratique pour ouvrir des plaies que pour passer par des fentes déjà existantes, ça va sans dire.

Auteurs SFFF   Mais vous avez vous-mêmes vu les œuvres qu’il a laissées sur son passage. Inutile donc de s’attarder plus encore sur les meurtres. Autant parler tout de suite de celui qui nous intéresse, le dernier.

   Il l’avait repérée en début de soirée et suivi jusqu’à son appartement. La retranscription parfaite de ses idéaux, il n’aurait pas pu rêver mieux. Ils ont partagé l’ascenseur, puis longé le même couloir. Il a fait semblant de poursuivre son chemin pendant qu’elle cherchait ses clés. Comme à chaque fois, il s’est jeté sur elle une fois la porte ouverte, chloroforme en main.

   Malheureusement, cette victime-ci a réagi plus vite que les précédentes. Elle a esquivé l’attaque le temps de hurler à la mort. Ce qui a inévitablement rameuté le voisin d’en face.

   Dans sa panique, le tueur poignarde l’inconnu. La femme en profite pour fuir.

   Trois jours plus tard, la police retrouve le tueur dans une ruelle, toute veine ouverte, des artères jusqu’au plus petit vaisseau de l’œil. Fin.

   Voilà pour la énième explication des faits. On sait tous le verdict qui vous vient à l’esprit, ce ne sera d’ailleurs que la vérité, je ne le nie pas. Alors faites au lieu de me forcer à parler sans fin.

   Mais, avant de donner votre avis final, soyez sincères avec vous-mêmes, mes chers membres du jury : dites-moi que, si vous aviez été à ma place, vous ne seriez pas revenu pour ouvrir les veines de ce meurtrier. Dites-moi que vous en seriez resté là, après qu’on vous ait tué parce que vous avez voulu aider une voisine, sous l’absurde prétexte que les esprits ne sont pas censés retourner sur Terre.

4 octobre 2014

 

 

 

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