Voilà le film qui, pour l’instant, représente au mieux la devise de Murphy : si quelque chose peut mal aller, ça ira mal. On peut même faire une variante : « si un scénario peut parfaitement bien partir, il finira mal quand même ».

Résumé rapide : Dans un monde futuriste, le gouvernement a trouvé une solution au chômage et à la criminalité : la nuit de la purge. Le concept est simple : une nuit par an, tous les postes de police et hôpitaux ferment leurs portes, la justice, quant à elle, ferme les yeux et, du crépuscule jusqu’à l’aube, tous les crimes sont permis. Rien de mieux pour se défouler sans conséquence, rayer de la carte les abandonnés de la société et libérer de nouveaux postes. Petite précision : le film nous fera suivre, en huis clos, la famille d’un riche concepteur de systèmes de sécurité durant la fameuse nuit.

Alors ? The Purge (American Nightmare en français) c’était un projet plutôt innovant. James Demonaco a donc eu l’idée de génie de créer un monde où tous les crimes imaginables sont permis UNE nuit par an. Voilà qui promettait un micmac de manipulations, traîtrises, paranoïa et j’en passe. Imaginez donc : durant une telle nuit, un gentil voisin qui vous offre des muffins pourrait en fait vouloir vous empoisonner ; un ami avec qui vous comptez vous enfermer pour la nuit afin de survivre pourrait en fait prévoir votre meurtre depuis l’année dernière déjà ; des cambrioleurs pourraient tomber sur un même butin ; des vengeances pourraient s’accomplir et s’emmêler ; des épouses ou maris adultères pourraient remettre un peu d’ordre dans leur vie et j’en passe. Bref, pour peu qu’on libère un peu son imagination, on peut donc penser à mille variantes possibles dans un tel contexte.

Et alors que tout partait si bien, la malédiction de Murphy a senti la chose de loin et s’est abattu sur l’esprit de Demonaco sans plus attendre. De ce monde brillamment imaginé, on ne verra donc qu’une riche famille dans sa maison. De ce huis clos ne ressortira aucune manipulation, ni trahison, ni empoisonnement. Aucun personnage ne devient paranoïaque non plus ; au contraire, ils semblent tous parfaitement confiants. Des décombres de ce début prometteur ne reste donc qu’un Home Invasion* bien mal mené et une histoire très malmenée.

Car oui, le choix s’est fait de décrire cette histoire au travers d’une riche famille qui s’enferme chez elle durant ladite nuit. Un générique rapide nous montre l’anarchie ambiante, et puis on rejoint la demeure au système de sécurité de la mort qui tue des mammouths (retenez bien ceci, on y reviendra). A ce stade, le spectateur indulgent se dira « pourquoi pas ? Ça peut donner un air The Strangers* au tout ». « Un air » en effet, et très faible. Car si on joue la carte de l’Home Invasion, il semble que les scénaristes aient aussi voulu s’amuser à la Rambo (fusil à pompes, combats rapprochés, portes qui sautent de leurs gonds). Du coup, le film se la joue trop Battle Royale* pour réellement faire frissonner comme un The Strangers ; mais la carte huis clos réaliste est aussi bien trop présente pour vraiment jouir d’un spectacle digne de Battle Royale. Vous l’aurez compris, à ne pas vouloir choisir son camp, The Purge reste bloqué entre deux genres d’horreur et il en ressort donc, pour le coup, bien peu de choses.

Reste que le film est plutôt sympathique en soi. Le côté Battle Royale bloque la peur, le côté The Strangers bloque la joie de l’action, mais il reste quelques idées survivantes, tel l’espoir au fond de la boîte.

Ici, je fais surtout allusion à un petit dilemme humain auquel font face les héros : jeter cet inconnu à la rue où il se fera trucider, ou le garder chez soi et se faire trucider avec lui. N’étant pas chez les bisounours, le choix se tourne vite vers la première option, bien entendu. Par la suite, le dilemme tourne court et c’est bien dommage. Pour citer quelques points positifs pendant qu’on le peut encore : les images sont soignées, les masques bien trouvés, le huis clos est toujours une bonne chose, le rythme soutenu de façon générale et les acteurs jouent bien (je crois).

En revanche, les personnages ne sont réellement pas à la hauteur d’une telle histoire. D’un côté, on a les meuchants ados de riches qui s’amusent à chasser des SDF (soit, la chose a au moins le mérite d’énerver facilement le spectateur lambda ; reste que, personnellement, je ne peux pas avoir peur d’un personnage qui m’énerve ; le but du film se perd donc lentement mais sûrement).

De l’autre côté, notre chère famille de héros sans cervelle. Au jeu des sept familles, je demande d’abord la fille : elle sort avec un garçon que son père n’aime pas vraiment (il me semble qu’on évoque la différence d’âges – 4 ans je crois – pour expliquer ce stéréotype américain ambulant). Bref, le garçon s’infiltre dans la demeure avant qu’on ne ferme le système de sécurité, va voir la fille, et soudain, lui dit qu’il lui faut voir son père pour qu’ils s’expliquent « dans la paix, la joie et la bonne humeur, youpi houra nous sommes chez Dora ». Par une nuit où tous les crimes sont permis, on se demande bien pourquoi le garçon veut voir son beau-père. La fille semble croire que tout se passera bien en tout cas…

Pour poursuivre notre petit jeu, dans la famille des « tuez-moi au plus vite », je quémande le fils. On résumera la chose par « cette nuit, tout le monde peut se faire descendre, alors je vais ouvrir la porte au premier inconnu qui court en criant à l’aide ». Personnellement, appeler à l’aide dans un tel contexte me semble un piège bien sympathique pour que quelqu’un ouvre sa porte justement et en subisse les conséquences. Soit, le résultat est tout autre, l’inconnu étant réellement en recherche d’aide, mais le geste d’origine n’en reste pas moins irréfléchi. Enfin, je finirais par la mère de notre magnifique famille. Si elle tient la route un bon moment, sa décision ultime dans le film est complètement stupide. Je ne préciserais pas pour ne pas gâcher la fin, bien que, gâchée, elle le soit déjà en elle-même de toute façon. Si ça prône une certaine position du réalisateur ou si ça n’est qu’un bon prétexte pour faire une suite, peu m’importe ; l’essentiel est que la chose qui se produit est totalement irréaliste.

Pour accélérer, je citerais dans les points négatifs : - un système de sécurité de la mort qui tue des mammouths qui s’effondre lamentablement en quelques secondes ; - des meuchants si nombreux qu’ils n’en sont même plus effrayants. Au contraire, leur nombre les banalise d’après moi : ils sont vingt, les héros quatre… étant donné que le film doit durer une heure et quelques, on se doute bien que ce sont eux qui subiront le plus de pertes (d'autant plus qu'on compte deux gamins parmi les 4 héros, et on sait bien que les films comme celui-ci sont du genre trop propre sur soi pour ne serait-ce qu'en blesser un) ; - lesdits meuchants n’ont d’ailleurs pas de meilleurs mobiles que « parce que c’est marrant »… Côté psychologie, on repassera donc (si c'était que ça, j'aurais passé outre, mais vous admettrez que les points négatifs s'accumulent là) ; - les morts sont expéditives, et bien peu mises en avant ; - et enfin, que dire des voisins ? Ils tombent dans cette histoire comme autant de cadavres de mouche dans une soupe. Si on pouvait pardonner les (nombreux) excès du film jusque là, dès leur apparition, le film perd toute crédibilité. Remarquez, ce n’est pas tant la faute des voisins que des réactions qu’ils provoquent, ou ne provoquent pas en l’occurrence (comprendra qui a vu).

On ne peut pas dire que je sois très exigeant question films (la preuve, s’il en faut, est que j’ai vu tous les Chucky alors que le concept de base me paraissait abracadabrant). Mais là, même si ça passe bien le temps, le résultat est quand même affligeant. J’ai l’impression de parler comme un petit vieux du siècle dernier, mais là, vraiment, le cinéma d’horreur n’est plus ce qu’il était, parole de pépé Pruneau.

En bref...

Vous aimerez peut-être The Purge… - si c’est le premier film d’horreur que vous voyez de votre vie ; - si vous êtes très indulgent ; - si les tueries expéditives suffisent à faire un bon film d’après vous ; - si les gens masqués vous font peur ; - si les réactions totalement stupides des personnages ne heurtent pas votre blasomètre ; - si vous voulez juste vous divertir et puis oublier ce que vous venez de voir une fois le générique passé ; - si, pour vous, Paranormal Activity et Sinister sont les plus grands films d’horreur de tous les temps ; - si les morales mielleuses qui font fi de la réalité ne vous affligent pas ; - si vous pouvez supporter un film simplement parce qu’un acteur que vous adorez y figure : en l’occurrence Lena Headey pourra ravir les fans de Game of Thrones et Ethan Hawke, ceux de films tels que Daybreakers ou Sinister.

Vous n’aimerez sans doute pas… - Pour toutes les raisons inverses ; - si vous espérez que ce film fera plus que combler une soirée sans projet défini.

Note : 08/20 parce que l’idée de départ sauve un peu le tout et que le film attend tout de même d’être à sur sa fin pour abandonner définitivement toute crédibilité. Reste que c’est une preuve de plus, s’il en fallait une, que Murphy guette et que même ce qui démarre bien peut très mal finir.

PS : Je viens de faire quelques recherches supplémentaires après avoir écrit cette critique, et il semble que le concept de la violence permise une nuit par an n’est en fait pas du tout une nouveauté… La série Sliders en a visiblement déjà usé le temps d’un épisode… il y a une dizaine d’années maintenant.

*Home Invasion : sous genre de film d’horreur où les héros sont bien pénards chez eux, jusqu’à ce qu’un ou des intrus veuillent entrer et, au mieux, les tuer rapidement…

*The Strangers : Home invasion réalisé en 2008 avec Liv Tyler et Scott Speedman. Ici, c’est un couple dans une période délicate qui est attaqué par trois intrus aux masques horribles.

*Battle Royale : Roman, puis mangas, puis films japonais. On y est plongé dans une société qui fait s’affronter, chaque année, une classe de 3e dans un lieu isolé. Chaque élève a une arme, donnée au hasard, et, à la fin, il ne doit en rester plus qu’un.

Je mets quand même la bande annonce ; mais s'il vous faut vraiment choisir, regardez plutôt le trailer de The Strangers juste après et oubliez donc The Purge ^-^

The Purge (tout est dans le titre)

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